• Chapitre 3

     

               Lucy n’avait pas été propulsée dans les airs, mais ce fut la sensation qu’elle eut. Au moment même où elle allait établir un contact cuisant avec la foule, elle avait fermé les yeux et avait été rabattu violement en arrière.
    Elle sentie de l’air lui fouetter le visage et rouvrit les yeux.
    La jeune fille se trouvait dans une minuscule ruelle, si étroite qu’elle n’y avait même pas fait attention. Les fans non plus car ils continuaient à courir tout droit en gesticulant dans tous les sens. Il y avait de tout dans cette foule : des adolescentes qui s’égosillaient, des enfants avec des panneaux « I love Free Fire », elle vit même passer un vieil homme en fauteuil roulant criant avec les quelques dents qui lui restaient s’ils n’avaient pas vu son chat.
    Bizarrement, elle se fit la plus discrète possible comme si elle avait peur que la foule en ait après elle. Elle s’était juste trouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Elle leva les yeux vers le ciel, mais son regard s’arrêta sur des toits qui ne laissaient passer aucune lumière. Il s’agissait d’une ruelle étroite.
    Doucement elle se mit à reculer, lorsqu’elle senti un souffle chaud sur sa peau, juste au creux de son cou.
    Lucy ne réfléchit pas deux fois, son instinct auto défensif qui lui était propre prit le dessus.
    Elle se retourna et donna un énorme coup de poing.
    - Hé ! cria une voix qui lui était familière. Tu vas pas bien ou quoi ?
    La jeune fille cligna plusieurs fois des yeux avant d’identifier la personne. Un jeune homme blond, une coupe ébouriffée et… de magnifiques yeux azurs.
    Elle venait de frapper une des rock-stars les plus aimées du moment !
    - I…Ian ? bégaya-t-elle en dévisageant le garçon.
    Celui-ci se releva facilement tout en tenant sa joue, rosie par le choc (ce qui aurait pu être pire), tout en répétant et exagérant l’expression de Lucy.
    - Bien sûr que c’est moi, idiote. Je te sauve la vie et toi tu me frappes ? Pourquoi il fallait que ça tombe sur toi en plus ?
    - Et bien désolée mais je croyais que c’était un pervers ! se défendit-elle.
    - Qui te dit que je n’en suis pas un ? demanda-t-il alors avec son sourire carnassier.
    Lucy leva les yeux au ciel tout en passant la main dans ses cheveux. Un instant de silence passa, comme si une sorte de tension malfaisante faisait apparition.
    Ce type était vraiment très flippant.
    - Raison de plus pour te taper alors, rétorqua-t-elle d’un ton plus doux.
    Tous deux se dévisagèrent un moment, puis Ian regarda discrètement par-dessus son épaule pour vérifier qu’il n’y avait plus personne. On entendait encore la foule non loin, il était donc trop dangereux pour repasser par l’allée principale. Il était aussi hors de question de laisser la fille qu’il avait sorti in-extremis d’une écrasante mort de repartir par ce chemin, elle attirerait un peu trop l’attention des curieux.
    Il réfléchissait déjà à un plan de sortie, s’appuyant contre le mur, quand il sentit une certaine agitation devant lui.
    - Je ne sais pas si tu avais remarqué, dit Lucy sans le regarder, mais une ruelle n’est pas une impasse.
    Sans attendre un commentaire de sa part, elle prit son sac en main et passa à côté de lui. Elle commença à marcher vers l’autre sortie et finit par se frotter au mur tellement la ruelle devenait de plus en plus étroite. Le sol et les murs étaient humides si bien qu’on ne pouvait discerner la véritable couleur des vieilles pierres, les gouttières étaient très usées et laissaient de longs ruisseaux d’eau de pluie sur les parois : Lucie allait pouvoir repartir chez elle avec une bonne odeur de rouille.
    Malheureusement pour elle, la foule était également de l’autre côté criant et braillant à en faire un mal de crâne assommant.
    Lucy soupira à en perdre le souffle, elle était extrêmement fatiguée par le travail au restaurant et l’ambiance des grandes villes ne la réussissait pas.
    Elle ne connaissait pas vraiment Ian –outre qu’il était une star du rock et qu’il avait un sourire carnassier- mais supposait qu’après qu’il lui ait sauvé la peau in extremis elle ne pouvait pas simplement partir avec le risque qu’il soit repéré.
    Par simple geste de politesse, elle n’était pas une brute sans foi ni loi, et elle ne s’appelait pas Amélie.
    A cette idée, Lucy sourit bêtement.
    - J’espère que tu n’as pas l’intention de filer comme ça, dit une voix agacée derrière elle.
    Elle fut si surprise qu’elle frémit. Depuis quand était-il à côté d’elle ? Il était vraiment rapide. Il l’avait attrapé par l’épaule pour être sûr qu’elle ne partirait pas.
    - J’y ai pensé mais je n’ai pas l’intention de le faire, répondit-elle en prenant le même ton, si tu as une idée pour sortir de là rapidement ce serait bien. Je n’ai pas envie de camper ici toute la soirée.
    Ian ne semblait pas réfléchir à une solution, et Lucie se doutait qu’il en avait une depuis longtemps. Il ne lâcha pas son bras et l’entraîna vers le centre de la ruelle : une vieille échelle rouillée qui menait au toit.
    Ou plutôt aux toits.
    Elle regarda longuement jusqu’où l’échelle conduisait exactement et pu également constater que vu l’état plus que catastrophique de conservation du fer, ils avaient de fortes chances de se casser la figure.
    Le jeune homme comprit son regard anxieux et sourit. Elle l’avait compris : ce n’était pas la première fois qu’il passait par cette ruelle abandonnée, un passage à noter en cas de problème.
    - La maison est inhabitée ? demanda Lucie.
    - Comme toutes les vieilles maisons à pans de bois de la ville, c’est une boutique et généralement les propriétaires n’utilisent que le rez-de-chaussée… maximum le premier étage. Il n’y a rien à craindre, je suis déjà passé par là et ce n’est qu’un grenier abandonné.
    Le jeune rockeur se promenait dans la ville comme un simple chat de gouttière. Il remonta dans l’estime de Lucie : pas si starlette que ça en fin de compte.
    Il commença à monter et fit signe à la jeune fille de le suivre, et lui dit également que si elle avait trop peur de casser ses jolis ongles elle pouvait très bien rester à terre. Lucie, pour toute réponse, lui tira la langue et se mit à monter avec une adresse remarquable. Elle était souple et légère.
    Ian atteignit la fenêtre du troisième étage- grenier, l’ouvra en grand et passa tête la première à l’intérieur. Lucie quant à elle n’était plus qu’à quelques mètres de l’arrivée lorsqu’elle sentit une barre de fer s’affaisser.
    Elle remonta le plus vite possible sur la barre du dessus… qui n’existait pas.
    Ce n’était pas le moment de paniquer.
    Elle tenta tant bien que de mal à placer sa jambe sur le mur afin d’avoir un appui, au moins pour quelques secondes.
    Sans effet.
    Puis elle sentie une main toucher délicatement son bras pour ensuite l’attraper au moment même où elle allait tomber. Ian ne la regardait même pas : ils étaient aussi têtu l’un que l’autre.
               Ayant enfin pied sur un sol plus stable, Ian et Lucie longèrent le grenier d’un pas léger pour éviter de faire craquer les lattes de bois. Il était étonnement long et Ian lui expliqua que le grenier appartenait à trois maisons différentes mais qui en fait étaient d’une propriété commune à l’origine. Il n’y avait donc rien dans le grenier car aucun des propriétaires différents ne voulaient créer de conflits sur l’appartenance de cet immense grenier.
    A l’autre bout du grenier se trouvait la seule autre source de lumière : une énorme fenêtre au plafond. Lucie l’ouvrit et escalada facilement pour arriver sur le toit.
    Les maisons à pans de bois ne permettaient pas de marcher facilement dessus sans glisser et se retrouver quelques mètres plus bas avec les os brisés.
    Elle dut donc faire preuve de minutie et attendit qu’Ian arrive à son tour.
    Quelques minutes plus tard, après avoir vérifié qu’il n’y avait personne dans la rue, ils se laissèrent glissés doucement et s’agrippèrent à une gouttière (celle qui semblait la plus solide) pour se retrouver enfin sur la terre ferme.
    Il fallait qu’ils fassent vite, car on entendait toujours la foule qui s’approchait et qui cherchait toujours désespérément leur idole. Il suffisait simplement de marcher rapidement et sans bruit.
    Puis un malheur arriva : un chien renversa une poubelle.
    Tous les deux eurent le même réflexe ils fermèrent les yeux au moment où le bruit retentit dans la rue pour l’instant déserte.
    Personne ne semblait avoir remarqué, quand soudain :
    - Oh mon dieu, il est là ! cria une fille. Ian de Free Fire est là !
    Puis elle s’évanouit.
    Lucie et Ian se regardèrent : ils étaient dans la mouise.


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