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               Lucy n’avait pas été propulsée dans les airs, mais ce fut la sensation qu’elle eut. Au moment même où elle allait établir un contact cuisant avec la foule, elle avait fermé les yeux et avait été rabattu violement en arrière.
    Elle sentie de l’air lui fouetter le visage et rouvrit les yeux.
    La jeune fille se trouvait dans une minuscule ruelle, si étroite qu’elle n’y avait même pas fait attention. Les fans non plus car ils continuaient à courir tout droit en gesticulant dans tous les sens. Il y avait de tout dans cette foule : des adolescentes qui s’égosillaient, des enfants avec des panneaux « I love Free Fire », elle vit même passer un vieil homme en fauteuil roulant criant avec les quelques dents qui lui restaient s’ils n’avaient pas vu son chat.
    Bizarrement, elle se fit la plus discrète possible comme si elle avait peur que la foule en ait après elle. Elle s’était juste trouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Elle leva les yeux vers le ciel, mais son regard s’arrêta sur des toits qui ne laissaient passer aucune lumière. Il s’agissait d’une ruelle étroite.
    Doucement elle se mit à reculer, lorsqu’elle senti un souffle chaud sur sa peau, juste au creux de son cou.
    Lucy ne réfléchit pas deux fois, son instinct auto défensif qui lui était propre prit le dessus.
    Elle se retourna et donna un énorme coup de poing.
    - Hé ! cria une voix qui lui était familière. Tu vas pas bien ou quoi ?
    La jeune fille cligna plusieurs fois des yeux avant d’identifier la personne. Un jeune homme blond, une coupe ébouriffée et… de magnifiques yeux azurs.
    Elle venait de frapper une des rock-stars les plus aimées du moment !
    - I…Ian ? bégaya-t-elle en dévisageant le garçon.
    Celui-ci se releva facilement tout en tenant sa joue, rosie par le choc (ce qui aurait pu être pire), tout en répétant et exagérant l’expression de Lucy.
    - Bien sûr que c’est moi, idiote. Je te sauve la vie et toi tu me frappes ? Pourquoi il fallait que ça tombe sur toi en plus ?
    - Et bien désolée mais je croyais que c’était un pervers ! se défendit-elle.
    - Qui te dit que je n’en suis pas un ? demanda-t-il alors avec son sourire carnassier.
    Lucy leva les yeux au ciel tout en passant la main dans ses cheveux. Un instant de silence passa, comme si une sorte de tension malfaisante faisait apparition.
    Ce type était vraiment très flippant.
    - Raison de plus pour te taper alors, rétorqua-t-elle d’un ton plus doux.
    Tous deux se dévisagèrent un moment, puis Ian regarda discrètement par-dessus son épaule pour vérifier qu’il n’y avait plus personne. On entendait encore la foule non loin, il était donc trop dangereux pour repasser par l’allée principale. Il était aussi hors de question de laisser la fille qu’il avait sorti in-extremis d’une écrasante mort de repartir par ce chemin, elle attirerait un peu trop l’attention des curieux.
    Il réfléchissait déjà à un plan de sortie, s’appuyant contre le mur, quand il sentit une certaine agitation devant lui.
    - Je ne sais pas si tu avais remarqué, dit Lucy sans le regarder, mais une ruelle n’est pas une impasse.
    Sans attendre un commentaire de sa part, elle prit son sac en main et passa à côté de lui. Elle commença à marcher vers l’autre sortie et finit par se frotter au mur tellement la ruelle devenait de plus en plus étroite. Le sol et les murs étaient humides si bien qu’on ne pouvait discerner la véritable couleur des vieilles pierres, les gouttières étaient très usées et laissaient de longs ruisseaux d’eau de pluie sur les parois : Lucie allait pouvoir repartir chez elle avec une bonne odeur de rouille.
    Malheureusement pour elle, la foule était également de l’autre côté criant et braillant à en faire un mal de crâne assommant.
    Lucy soupira à en perdre le souffle, elle était extrêmement fatiguée par le travail au restaurant et l’ambiance des grandes villes ne la réussissait pas.
    Elle ne connaissait pas vraiment Ian –outre qu’il était une star du rock et qu’il avait un sourire carnassier- mais supposait qu’après qu’il lui ait sauvé la peau in extremis elle ne pouvait pas simplement partir avec le risque qu’il soit repéré.
    Par simple geste de politesse, elle n’était pas une brute sans foi ni loi, et elle ne s’appelait pas Amélie.
    A cette idée, Lucy sourit bêtement.
    - J’espère que tu n’as pas l’intention de filer comme ça, dit une voix agacée derrière elle.
    Elle fut si surprise qu’elle frémit. Depuis quand était-il à côté d’elle ? Il était vraiment rapide. Il l’avait attrapé par l’épaule pour être sûr qu’elle ne partirait pas.
    - J’y ai pensé mais je n’ai pas l’intention de le faire, répondit-elle en prenant le même ton, si tu as une idée pour sortir de là rapidement ce serait bien. Je n’ai pas envie de camper ici toute la soirée.
    Ian ne semblait pas réfléchir à une solution, et Lucie se doutait qu’il en avait une depuis longtemps. Il ne lâcha pas son bras et l’entraîna vers le centre de la ruelle : une vieille échelle rouillée qui menait au toit.
    Ou plutôt aux toits.
    Elle regarda longuement jusqu’où l’échelle conduisait exactement et pu également constater que vu l’état plus que catastrophique de conservation du fer, ils avaient de fortes chances de se casser la figure.
    Le jeune homme comprit son regard anxieux et sourit. Elle l’avait compris : ce n’était pas la première fois qu’il passait par cette ruelle abandonnée, un passage à noter en cas de problème.
    - La maison est inhabitée ? demanda Lucie.
    - Comme toutes les vieilles maisons à pans de bois de la ville, c’est une boutique et généralement les propriétaires n’utilisent que le rez-de-chaussée… maximum le premier étage. Il n’y a rien à craindre, je suis déjà passé par là et ce n’est qu’un grenier abandonné.
    Le jeune rockeur se promenait dans la ville comme un simple chat de gouttière. Il remonta dans l’estime de Lucie : pas si starlette que ça en fin de compte.
    Il commença à monter et fit signe à la jeune fille de le suivre, et lui dit également que si elle avait trop peur de casser ses jolis ongles elle pouvait très bien rester à terre. Lucie, pour toute réponse, lui tira la langue et se mit à monter avec une adresse remarquable. Elle était souple et légère.
    Ian atteignit la fenêtre du troisième étage- grenier, l’ouvra en grand et passa tête la première à l’intérieur. Lucie quant à elle n’était plus qu’à quelques mètres de l’arrivée lorsqu’elle sentit une barre de fer s’affaisser.
    Elle remonta le plus vite possible sur la barre du dessus… qui n’existait pas.
    Ce n’était pas le moment de paniquer.
    Elle tenta tant bien que de mal à placer sa jambe sur le mur afin d’avoir un appui, au moins pour quelques secondes.
    Sans effet.
    Puis elle sentie une main toucher délicatement son bras pour ensuite l’attraper au moment même où elle allait tomber. Ian ne la regardait même pas : ils étaient aussi têtu l’un que l’autre.
               Ayant enfin pied sur un sol plus stable, Ian et Lucie longèrent le grenier d’un pas léger pour éviter de faire craquer les lattes de bois. Il était étonnement long et Ian lui expliqua que le grenier appartenait à trois maisons différentes mais qui en fait étaient d’une propriété commune à l’origine. Il n’y avait donc rien dans le grenier car aucun des propriétaires différents ne voulaient créer de conflits sur l’appartenance de cet immense grenier.
    A l’autre bout du grenier se trouvait la seule autre source de lumière : une énorme fenêtre au plafond. Lucie l’ouvrit et escalada facilement pour arriver sur le toit.
    Les maisons à pans de bois ne permettaient pas de marcher facilement dessus sans glisser et se retrouver quelques mètres plus bas avec les os brisés.
    Elle dut donc faire preuve de minutie et attendit qu’Ian arrive à son tour.
    Quelques minutes plus tard, après avoir vérifié qu’il n’y avait personne dans la rue, ils se laissèrent glissés doucement et s’agrippèrent à une gouttière (celle qui semblait la plus solide) pour se retrouver enfin sur la terre ferme.
    Il fallait qu’ils fassent vite, car on entendait toujours la foule qui s’approchait et qui cherchait toujours désespérément leur idole. Il suffisait simplement de marcher rapidement et sans bruit.
    Puis un malheur arriva : un chien renversa une poubelle.
    Tous les deux eurent le même réflexe ils fermèrent les yeux au moment où le bruit retentit dans la rue pour l’instant déserte.
    Personne ne semblait avoir remarqué, quand soudain :
    - Oh mon dieu, il est là ! cria une fille. Ian de Free Fire est là !
    Puis elle s’évanouit.
    Lucie et Ian se regardèrent : ils étaient dans la mouise.


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               L’entretien qu’elles eurent avec miss Markson, fut plutôt bref. Miss Markson ne connaissait que trop bien les bien souventes disputes des deux jeunes filles, mais savait également qu’Amélie était particulièrement agaçante envers Lucie. Aussi les questions les plus étranges furent posées : Pourquoi Amélie tenait dans la main une briquette de lait ? Comment le lait était arrivé dans les cheveux de Lucie qui tenait fermement un parapluie ? Ou encore pourquoi Amélie se retrouvait avec une poubelle sur la tête ?
    La réponse fut bien plus étrange : parce qu’Amélie avait mis au point un stratagème pour que Lucie ne fasse plus peur aux enfants avec sa coupe de yeti et parce que Lucie avait acquis un superbe système d’autodéfense avec option parapluie.
    La vieille conseillère d’orientation psychologue les réprimanda sévèrement mais ne leur fit rien de plus, elle leur conseilla d’aller se changer avant d’aller en cours, et que si elle avait encore affaire à elles dans la journée les deux jeunes filles auraient sans doute une semaine de corvée gratuite.
               Vu qu’elle n’avait plus cours l’après-midi, Lucie décida de prendre un bus et de partir en ville au restaurant «Chez Bo’» où elle travaillait de temps en temps pour rendre service à son ami Boris.
    En chemin, elle croisa Denis qui allait rentrer chez lui. Il se tordit de rire lorsqu’elle lui raconta son histoire de poubelles et de briquettes de lait, la serra fort dans ses bras tellement il était fier de ce qu’elle avait fait puis parti en fredonnant un air de victoire.
               Le trajet en bus dura une trentaine de minutes et heureusement il n’était pas très rempli. Itown était une ville importante de la région mais pas si grande que cela, et assez proche de Londres que l’on pouvait rejoindre en métro, mélangeant un air médiéval à une touche de modernité.
    Elle prit un peu de temps à arriver au restaurant car elle y alla à pied en faisant quelques détours pour acheter quelques nouveaux vêtements, une carte mémoire pour son appareil photo ainsi qu’un vieil instantané dans une vieille boutique d’antiquité qui lui couta trois fois moins cher.
    Lucie entra enfin « Chez Bo’ », avec quelques difficultés car une longue file d’attente de clients trainaient sur trottoir si bien qu’elle dut faire le tour pour rentrer par une petite ruelle sombre et étroite que personne n’empruntait jamais, et aperçu Boris le chef cuisto et patron du restaurant.
    - Ah, Lucie ! l’appela-t-il, tu tombes bien il y beaucoup trop de monde, les serveurs ne s’en sortent plus va les aider un peu !
    Celle-ci acquiesça, changea rapidement de tenue et se pressa d’aller accueillir les nouveaux clients qui affluaient déjà en masse devant l’entrée.
    En passant elle aida Boris à prendre une cuillère en bois et il la gratifia d’un sourire. Elle devait toujours s’empêcher de rire devant son ami, qui était un nain chauve toujours plein d’énergie et qui cuisinait avec entrain sur une pile de tabourets. La jeune fille avait toujours peur qu’il perde l’équilibre, ce qui était déjà arrivé, et ne soit obligé d’aller à l’hôpital.
    Elle mit son tablier accompagné de sa petite étiquette où était marqué son prénom, se passa une serviette rafraichissante sur le visage et se regarda une dernière fois dans le miroir. Les tenues du restaurant avaient toujours été très jolies et mettaient toujours en valeur les silhouettes des serveurs.
    Elle rentra enfin par la porte qui reliait les cuisines à la salle.
    Boris n’avait pas mentit, il y avait trop de clients.
    Trop de clients car ce n’était pas à son habitude d’avoir beaucoup de clients.
    Le restaurant possédait une bonne soixantaine de places et généralement la moitié était remplie en temps normal, et le tiers en période de vacances.
    Sauf que là il n’y avait plus de places.
    Et des centaines de clients arrivaient toutes les cinq minutes. Ce n’était pas possible, qu’est-ce qu’il s’était passé pour que ce restaurant peu connu attraie autant de monde ? A moins que tous les restaurants de la ville ne soient fermés, ce qui était peu probable vu la taille de la ville et le nombre incalculable de restaurants.
    - Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Lucie à un serveur qu’elle ne connaissait pas.
    - Le groupe de rock « Free Fire » a décidé de manger ici, et tout le monde essaye d’avoir une place pour manger dans le même restaurant.
    Elle le regarda comme s’il avait parlé chinois. Elle n’avait jamais entendu parler de ce groupe et pourtant tout le monde semblait le connaître.
    - Tu n’as quand même pas pu louper les immenses panneaux publicitaires ?
    Apparemment elle avait réussi l’exploit du siècle. Et vu les yeux de son collègue, elle était vraiment la reine des quiches.
    - Tu as sans doute entendu parler d’eux, dit-il en haussant la voix à cause du chahut créé par la foule, il parait qu’ils vont s’installer dans une immense maison d’une ville pas très loin mais vraiment petite ce qui surprend beaucoup vu leur popularité.
    Lucie soupira, son collègue avait l’air de connaître son sujet et paraissait même déçu qu’ils ne s’installent pas à ITown. Elle regarda son poignet qu’il faisait bouger dans tous les sens.
    Oui, c’était effectivement un fan : un bracelet en tissu où on pouvait voir « Free Fire Forever ». Elle soupira de nouveau, elle se sentait vraiment à la ramasse, comment avait-elle pu rater un groupe qui paraissait très connu.
    Avant de repartir servir en courant à travers toutes les tables, le serveur lui indiqua aussi que Marina s’occupait de leur table.
    Marina, jolie petite serveuse aux cheveux roux et extrêmement timide avait l’air malheureusement de passer le pire jour de sa vie. Les quatre rock-stars essayant sans doute de jouer un peu avec ses nerfs. Au moment où Lucie l’inspectait du regard, celle-ci tourna la tête avec un regard disant probablement un « je vais mourir » pour signifier à Lucie de venir illico lui sauver la vie.
    Elle n’avait pas le choix devant le regard de son amie.
    Lucie donna quelques ordres aux serveurs afin d’éloigner un peu les nouveaux arrivants, servir plus rapidement et organiser le tout afin d’avoir un meilleur fonctionnement plus efficace.
               Dès qu’elle arriva à la table, Marina lui fit un bref récapitulatif de leur commande et la gratifia d’un sourire nerveux. Lucie aurait parié qu’elle avait très envie de pleurer.
    Elle se tourna donc vers les clients responsables du remue-ménage et les regarda avec attention : l’un paraissait grand et musclé et avait de longs cheveux blonds tressés il semblait être le leader du groupe, deux autres étaient jumeaux avec des cheveux bruns courts et aux yeux dorés et le quatrième avait des cheveux blonds un peu ébouriffé, plutôt courts, qui faisaient ressortir ses yeux d’un bleu azur. Tous étaient vêtus de vêtements très sombres à fois classes et rock’n’roll, ils semblaient avoir à peu près le même âge qu’elle.
    Lucy soupira intérieurement et commença à prendre la commande.
    - Bonjour je m’appelle Lucie et c’est moi qui vous servira à partir de maintenant, dit-elle avec son plus grand sourire.
    - Ouah, les yeux de malades ! s’exclama les jumeaux simultanément en écarquillant leurs yeux.
    Elle ne s’attendait pas vraiment à une telle réponse mais n’en montra rien gardant son magnifique sourire au visage.
    - Des yeux violets…, continua l’un.
    - … ce sont des lentilles ? continua l’autre.
    Lucy avait effectivement ses yeux d’une étrange couleur violette mais ce n’étaient surement pas des lentilles. Elle était née avec ses étranges yeux qui étaient en partie la cause de son premier placement sur le site débile des élèves du lycée et l’appellation « monstre » par Amélie. Elle répondit par un simple non.
    - Que puis-je vous servir ? demanda-t-elle, impassible.
    - Toi, répondirent encore une fois les jumeaux.
    Elle se flanqua une gifle intérieurement pour ne pas hausser les sourcils d’un air agacé, « ne pas décevoir le client » était une priorité, surtout quand celui-ci avait les moyens de nous payer deux ans de salaires en quelques secondes.
    - Amusant, répliqua-t-elle, je parle de nourriture !
    - C’est bien ce dont ils parlaient, répliqua le membre musclé du groupe avec un étrange sourire carnassier. Tu t’appelles Lucie c’est ça ? Quel joli prénom, et que de beaux yeux…
    Lucie se sentie rosir mais ne fit rien, prit son carnet en main et parla de façon un peu plus autoritaire, ce qui les surpris un peu :
    - Je suis désolée de vous presser, mais nous avons beaucoup de clients et ils s’impatientent, dit-elle en gardant son sourire.
    Elle pointa du stylo l’un des jumeaux et commença à prendre la commande. Elle avait un peu réussit à les calmer, suffisamment pour qu’il prenne gentiment un poulet sauce forestière. Elle continua à prendre les commandes de tout le monde. Lucy continuait à échanger quelques blagues avec eux, répondant poliment et les pressant lorsqu’il le fallait, de quoi avoir un minimum de respect.
    - Tu as l’air d’avoir beaucoup d’autorité dans ce restaurant, dit alors le jeune homme blond qui n’avait pas ouvert la bouche depuis le début de l’échange, j’ai remarqué qu’ils attendent souvent tes conseils.
    - Oui en effet, et donc ?
    Lui aussi eu un sourire terriblement carnassier et on pouvait sentir un air de défi dans ses yeux.
    - Tu dois être la serveuse la plus jeune de cet établissement, un travail à mi-temps je présume, tes collègues seraient-ils bons à rien ?
    C’était une gifle glacée, extrêmement bien calculée. Il l’avait dit suffisamment fort pour que les tables les plus proches arrêtent de parler et les regarde. Elle sentit que quelques serveurs bouillonnaient à côté d’elle. Elle n’allait sûrement pas tomber dans son piège, il voulait la tester.
    Elle émit un petit rire.
    - Je ne travaille pas vraiment à mi-temps, et je travaille ici depuis plus longtemps que la plupart de mes collègues, dit-elle avec son magnifique sourire. Certaines personnes sont rock-stars à mon âge et s’abusent bêtement de fans qui sont trois fois plus âgés, je ne vois pas pourquoi servir dans un restaurant est-il mal vu en comparaison.
    Une excellente répartie.
    Elle réussit alors à prendre commande, et tout se passa au mieux. Etrangement, les rocks-stars ne posèrent plus problèmes et le restaurant ferma sans aucunes casses à la fin de la journée.
               Lorsque Lucie sortie de « Chez Bo’ » il était près de seize heures. Boris avait décidé de ne pas ouvrir le restaurant ce soir, car il n’y avait quasiment plus rien à manger et tous les serveurs étaient exténués.
    Elle décida de marcher un peu dans le centre-ville avant de reprendre le bus pour rentrer chez elle. Elle constata effectivement qu’il fallait être aveugle pour louper les panneaux publicitaires.
    D’énormes affiches du groupe postées tous les quinze mètres.
    Elles représentaient chaque membre du groupe et affichaient leurs noms, et au-dessous on pouvait voir marqué en pailleté « Free Fire » : les jumeaux s’appelaient Byron et Aron, le musclé Dylan et le blond Ian. Ces deux derniers paraissaient beaucoup plus dangereux que les deux autres, ce qui faisait qu’ils semblaient beaucoup plus populaires.
    Soudain elle sentit comme un malaise.
    Une énorme foule de filles se mirent à courir vers elle comme des furies et criaient à ne plus rien comprendre. Lucy sentit soudain comme une montée d’adrénaline : il fallait qu’elle court, qu’elle s’échappe, qu’elle vole même !
    Elle ne voulait pas finir écrasée. Lucy ne pouvait plus bougée, et les fans se trouvaient de plus en plus près.
    Quinze, dix, …cinq mètres, le choc était inévitable. Elle ferma les yeux.
    Elle fut propulsée dans les airs.

     


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            Comme tous les matins, Lucie faillit faire une crise cardiaque en découvrant avec horreur l’état post-sommeil de sa chevelure : sa crinière blonde platine mi longue et bouclée étant complètement en pagaille comme si une bombe nucléaire avait implosée à l’intérieur.
    Après avoir baillé une bonne trentaine de fois tout en cherchant dans son dressing une tenue appropriée pour la journée, elle opta pour un jean noir moulant accompagné d’un pull vert canard qui descendait jusqu’au-dessus des genoux.
    Cela lui prenait peu de temps pour prendre une douche et s’habiller, environ moins de dix minutes, mais elle avait cours à huit heures et ne s’était sans doute pas levée deux heures en avance pour rien.
    Il fallait maintenant essayer de dompter l’effroyable bête sauvage qui avait poussée sur sa tête et elle prenait minimum quarante-cinq minutes pour pouvoir enlever tous les nœuds et quinze minutes de plus pour les rendre plus ou moins présentables.
    Arrivée à un état moins catastrophique, elle put enfin descendre vers la cuisine pour reprendre les forces matinales d’une nécessitées cruciales, majoritairement doublées par le combat rituel du réveil (surtout lorsque l’on se retrouvait trois heures sur une chaise dans la même salle à ne pas bouger d’un cil), et pointa le bout de son nez à l’extérieur.
    Il faisait froid.
    Extrêmement froid même. Lucie soupira et passa sa main dans sa crinière, elle l’avait malheureusement coiffée pour rien. Elle remonta dans sa chambre et rentra dans son dressing, prit un bonnet, son sac et son inséparable appareil photo.
               Parmi les cinq bus scolaires venant à son lycée, elle prenait un de ceux les plus remplis le matin. Elle réussit tout de même à trouver une place non prise au début des rangs de dernières rangées.
    Elle fit la grimace.
    Amélie, la fille la plus populaire du lycée était plantée là, en plein milieu du dernier rang, entourée de ses trois acolytes et d’une bonne dizaine des joueurs de l’équipe de rugby.
    Emplacement stratégique qui lui permettait de voir tous les nouveaux arrivants et d’être au courant de tous les derniers ragots.
    - Eh ! Lucie, t’as pas trop honte de faire peur aux enfants avec tes cheveux de sorcière ? Qu’est-ce qu’ils doivent flipper lorsqu’il se retrouve nez à nez avec le yeti le matin ! dit-elle en ricanant.
    Lucie leva les yeux au ciel. Elle avait appris avec le temps que mieux valait ne pas paraître toucher par ce genre de remarque, d’ailleurs cela lui ferait trop plaisir.
    Elle s’assit, tournant ainsi le dos à une Amélie ricanant comme un animal de basse-cour. Elle sortit son IPod et mit ses écouteurs, le son à fond empêchant d’entendre les autres remarques acerbes de son interlocutrice : du Our Last Night, rien de mieux pour ne plus rien entendre du monde extérieur.
    En sortant du bus, Amélie la bouscula en sortant un : « oh, je suis vraiment désolée » suivit d’un large sourire sadique sur son visage. De la sincérité à l’état pur.
    Elle la regarda s’éloigner avec sa marche de dindon, balançant son derrière de droite à gauche que l’on pouvait regarder sans difficulté vu la taille de son short d’un blanc pailleté qui ressemblait plus à une culotte.
               Lucie était devant son casier lorsque quelqu’un lui bondit dessus. Par réflexe, elle se retourna et brandit la main en point bien fermé, l’inconnu l’évita de justesse et s’esclaffa.
    C’était Denis, son meilleur ami (seul ami d’ailleurs), qui l’avait attrapé et lui tenait maintenant la main, la balançant de droite à gauche. Il était extrêmement efféminé ce qui le différenciait de son physique plutôt banal à la base : des cheveux bruns et des yeux marron, et si on devait lui approprié une caractéristique bien à lui ce serait son énergie inépuisable à tous temps.
    - Tu vas finir par tuer quelqu’un avec toutes tes bagues plus dangereuses que les autres, la prévint-il en souriant.
    - C’est mon système d’auto-défense, blagua-t-elle, mais il ne marche pas sur toi c’est assez décevant.
    - Méchante ! Je te connais depuis trop longtemps c’est pour ça. D’ailleurs je paris, vu le volume de tes écouteurs, que tu as eu affaire à Amélie ce matin encore n’est-ce- pas ?
    La jeune fille lui tira la langue et baissa largement l’intensité du volume de son IPod.
    Effectivement il la connaissait depuis longtemps mais Amélie aussi. Si elle n’avait pas été son « ennemie », elle aurait pu dire qu’elles avaient grandies ensembles.
    - Ne l’écoute pas, dit Denis, tu sais tout comme moi pourquoi elle ne t’aime pas et c’est à cause…
    - De ce stupide site internet, coupa Lucie qui connaissait par cœur ce qu’il allait lui répéter, qui fait que les élèves votent tous les jours pour l’élève qu’ils trouvent le plus beau et la plus belle…
    - Et que, coupa à son tour Denis, du côté des filles tu es en tête de liste ce qui fait rager notre chère peste.
    C’était une raison parmi tant d’autres raisons qui faisait qu’Amélie, jeune brunette aux yeux verts avec la taille d’un mannequin et un énorme derrière, la détestait.
    Lorsqu’elles s’étaient rencontrées, la brunette avait bien essayé de lier un lien avec la blondinette, entres personnes riches et avec un plutôt jolie minois, mais cela n’avait pas marché.
    En effet, Lucie était une fille qui n’aimait pas être mise en avant et qui malgré tous ses moyens financiers préférait être modeste, ne pas se montrer et ne pas être invitée à dix soirées toutes les semaines.
    Les autres filles « riches & belles » ne la comprenaient pas, et le fait que malgré cela elle soit plus populaire qu’elles les agaçaient, particulièrement Amélie qui ne supportait pas être seconde au classement.

               Passèrent les interminables heures de français avec le professeur Crouflard, connu pour ses envies de suicide répétitives et qui passait la majorité de son temps en dépression devant les élèves. Il parlait d’une voix grave et molle qui n’atteignait sans doute jamais le fond de la salle où une bonne partie des élèves somnolaient. Vers la fin de ses longues heures de cours, environs vingt minutes avant la sonnerie, les élèves avaient rangés leurs affaires et tous étaient déjà prêts à bondir hors de la salle.
    Le professeur imperturbable continuait à faire la lecture d’une voix lasse, ne levant jamais les yeux de ses feuilles de cours.
    Soudain, une dizaines de boulettes de papier rebondirent sur la tête de Lucie.
    Celle-ci se retourna, sans réelle surprise, et regarda la joyeuse lanceuse de boulettes gesticulée dans tous les sens. Amélie, le sourire aux lèvres, lui fit un signe de la main.
    Lucie compris le message, elle allait devoir faire face une nouvelle fois à l’animal de basse-cour en sortant de la salle ce qui n’était pas forcément bon signe.
    La sonnerie retentit et un tintamarre de crissements de chaises résonna dans tout l’établissement, si bien qu’on avait l’impression qu’il s’agissait d’un tremblement de terre.
    Lucie commença à sortir le plus discrètement possible, en essayant de se faufiler entre une vingtaine d’élèves courant dans tous les sens. Elle avait réussi l’exploit et était maintenant devant son casier.
    - J’ai bien réfléchi Lucie, et j’ai trouvé la solution ! apostropha une voix qu’elle ne connaissait que trop bien.
    La jeune fille regarda autour d’elle, les seules armes possibles qu’elles avaient sous les mains étaient un parapluie et une poubelle à moitié pleine. Il fallait absolument qu’elle trouve l’idée la plus ingénieuse pour lui échapper.
    Amélie se tenait maintenant devant elle, une main derrière son dos (tenant sans doute l’objet qui allait atterrir inévitablement dans la tête de Lucie), et les yeux pétillants d’excitation. Elle était accompagnée de ses trois acolytes: des triplettes asiatiques.
    - Quelle solution ? soupira la possible prochaine victime.
    Tout en débitant les pires arguments d’une fille voulant « faire preuve de compassion devant ses enfants apeurés par un monstre poilu du matin », Amélie se rapprochait dangereusement, ses ricanements en écho grâce aux trois poules qui restaient en arrière.
    Lucie, elle se rapprochait de la poubelle, et avait empoigné le parapluie par le bas, le plus discrètement possible.
    - Tu comprends, continua Amélie, je fais cela pour ton bien mais aussi pour ses pauvres enfants !
    Et avant qu’elle n’ait pu répondre quoi que ce soit, une briquette de lait sorti du dos de son assaillante, et le lait gicla partout.
    Heureusement Lucie avait prévu que quelque chose –non identifiée jusqu’à lors- allait lui tombée dessus et elle réussit à esquiver de justesse la totalité du lait. Seule une petite partie de ses cheveux se retrouvant touchées par le liquide blanc.
    Elle avait également réagit au quart de tour, attrapant la poubelle avec le parapluie et le faisant tournoyer au-dessus de la tête de son assaillante.
    Ce qui devait arriver arriva : la poubelle atterrit sur la tête d’Amélie
    - Mesdemoiselles Parks Amélie et Peters Lucie ! cria une voix grinçante.
    Les deux jeunes filles se retournèrent avec une synchronisation parfaite, et se retrouvèrent nez à nez avec Miss Markson, la vieille CPE du lycée au nez crochu.
    - Dans mon bureau, ordonna-t-elle.


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